Portrait de territoire : Dunkerque 3/9

Identité
Dimanche 05 avril 2015




Ah, la légendaire convivialité des gens du Nord ! Dans le Dunkerquois, elle n’est pas un vain mot. Elle se traduit par une formidable envie d’être ensemble, le plus souvent possible et sous les prétextes les plus divers.

La convivialité en art de vivre


On le ressent nettement au travers de sa cuisine que l’on peut qualifier de traditionnelle, plus que de gastronomique. Sa rusticité, à la flamande, fait partie du plaisir : il y a peu de variété dans les mets mais quelques plats fameux comme la carbonade, le lapin aux pruneaux, le waterzoï et bien sûr le potchevleesch se sont taillés une solide réputation. C’est une cuisine plantureuse « qui se fout de la mode » : de consistance un peu lourde, elle privilégie les plats goûteux, longuement mijotés… Obsédés de la calorie, abstenez-vous. Amoureux de la nouvelle cuisine, passez votre chemin !

Notons aussi que la culture nordiste de la pomme de terre et de la frite est également solidement ancrée dans le Dunkerquois. En bref, l’important ce n’est pas de manger raffiné mais de manger, entre amis, une nourriture qui tient au corps. On retrouve ici les valeurs populaires, de rudesse, déjà évoquée dans un chapitre précédent.

D’ailleurs, cette cuisine, dans ce qu’elle a de typique, s’exerce principalement dans le cadre familial ou alors, dans des restaurants sans prétention ni théâtralisation comme des estaminets, des brasseries… Là encore ce qui compte, c’est bien le plaisir de se retrouver et d’être ensemble.

Le carnaval ou le plaisir d'être ensemble

Autre événement, aussi parlant qu’incontournable, que le Carnaval. Quel meilleur symbole du plaisir d’être ensemble ? Durant les bals, les bandes et les fameuses chapelles, les participants n’aiment rien tant que de se retrouver.

Là, les habitants du territoire, reconnus ou pas sous leur maquillage, partagent nourriture, éclats de rires, chansons mais aussi et surtout des émotions humaines très fortes. Ce plaisir d’être ensemble s’avère également très marqué dans les pratiques associatives qui sont particulièrement développées sur le territoire. Car si la plupart des gens s’investissent dans des activités sportives, d’animation, de vie de quartier ou encore caritatives, c’est encore et toujours parce qu’ils éprouvent de la joie à être ensemble. Ultime preuve de cette convivialité, les innombrables manifestations festives organisées dans chaque commune…

La culture locale se caractérise donc par des valeurs éminemment populaires : des activités simples qui engendrent des joies simples. Ces valeurs populaires s’expriment à travers l’accent et le « parler » local. De même, la musique, très présente dans les pratiques culturelles, est dominée par les sonorités de fanfares, de carillons et de percussions. Le langage et la musique constituent le fond « d’ambiance » de la convivialité.

Un certain mépris pour la "culture parisienne"

Ne le cachons pas. Cette culture populaire engendre aussi certains effets négatifs. Dans le Dunkerquois, on affiche bien souvent une méconnaissance, ou une distance mêlée de mépris, pour la culture élitiste qui est qualifiée de « parisienne » : combien sont-ils, parmi les habitants, à saluer l’existence d’un Fonds régional d’art contemporain (FRAC) ?

A ce niveau-là, et ce n’est pas sans lien, le manque de personnalités reconnues au plan national est criant. Aucun metteur en scène, acteur, peintre, photographe dont on parle n’est issu du territoire. Globalement, les intellectuels ou les artistes sont bien moins admirés que les sportifs, les dockers ou les corsaires ! La « culture parisienne », pour reprendre le vocable local, ne fait pas partie de la tradition et des valeurs ouvrières très présentes dans la majorité de la population.

Quelle est la véritable personnalité de la région Flandre-Dunkerque ?

Pour le savoir, l’agence d’urbanisme de Dunkerque (AGUR) a mené une grande étude en 2006. Tous les documents, articles et livres mentionnant le territoire ont été compulsés. Un groupe ressource d’experts locaux a été créé. Des enquêtes ont été menées auprès d’habitants et de visiteurs (plus de 300 au total). Au final, un rapport de 400 pages croisant tous ces regards a été rédigé. Dix traits de caractère, tant physiques que psychologiques, ont finalement émergé, comme pour une personne de chair et de sang.

Presque 10 ans après, force est de constater que ce portrait de territoire n’a pas été utilisé par les différents acteurs du Dunkerquois (élus, professionnels du tourisme ou de l’économie de l’époque).

Mais il n’est pas trop tard ! L’expérience actuellement menée dans les villes autour du Louvre-Lens le démontre : un portrait de territoire est un outil précieux d’aide à la décision. Il contribue à donner du sens à des produits économiques, touristiques ou culturels ; à construire des événements en adéquation avec les spécificités physiques et culturelles du territoire ; à déterminer des stratégies de développement...

 

Pour une première approche du carnaval http://fr.wikipedia.org/wiki/Carnaval_de_Dunkerque

L'édition 2015 du carnaval http://www.lavoixdunord.fr/culture-loisirs/carnaval-de-dunkerque

Pour savoir cuisiner le Potjevleesch http://www.4saisonsencuisine.com/article-potjevleesch-64705837.html

L'autrice

Journaliste spécialisée dans les questions urbaines et les enjeux d'aménagement des villes de demain, Vanessa Delevoye est la rédactrice-en-chef d'Urbis le Mag.