Crise énergétique : pourquoi pas le vélo ? 2/2

Idées
Lundi 03 octobre 2022




Dans « Pourquoi pas le vélo ? Envie d’une France cyclable », Stein Van Oosteren pose un regard de Néerlandais sur la multitude de freins au développement du vélo qui prolifèrent en France. Urbis le Mag a sélectionné pour vous 7 thèmes que le militant développe – de manière bien plus approfondie et avec beaucoup d’humour – dans son essai.

1. Les pistes cyclables sont vides.-

« L’illusion des pistes cyclables vides est tellement forte qu’il est presque impossible d’y résister », écrit Stein Oosteren. « Plusieurs expériences de comptages mettent cependant en pièce cet effet d’optique. Celle du britannique Joe Dunckley constitue un bon exemple. Le vidéaste a filmé, durant 18 minutes, une piste londonienne vivement critiquée pour son inutilisation au regard de la voie réservée aux voitures juste à côté, jugée, elle, bondée. Durant ces 18 minutes, il a compté le passage d’autant de vélos que de voitures. »

2. Les clients des commerces viennent en voiture en ville.-

« L’idée qu’il faut absolument des parkings automobiles devant les magasins est terriblement tenace chez les commerçants ». Pourtant, dans les centres-villes, les clients à venir en voiture sont minoritaires. Plusieurs enquêtes l’ont déjà démontré. En mars 2022, dans le centre-ville de Caen, 1817 personnes ont été enquêtées aux abords de 239 commerces. Bilan : 8 clients sur 10 étaient venus à pied (61%), 13% en transport collectif et 5% en vélo. Mener davantage d’enquêtes de ce type pourrait permettre de restreindre le nombre de places de stationnement pour faire de la place aux autres modes de transports, la marche et le vélo notamment.

3. Tout le monde ne peut pas faire du vélo.-

« La mauvaise foi prévaut en matière de vélo… Changer ses habitudes est difficile et beaucoup de gens en parfaite forme physique n’ont juste aucune envie de remettre en cause leur mode de vie ». Stein van Oosteren cite alors le journaliste Olivier Razemon, connu pour ses positions pro-vélo : « Tout le monde n’est pas grabataire, n’a pas à faire 25 km tous les matins, une camionnette chargée de matériel, ni un âge canonique. J’aimerais bien qu’on considère aussi les gens dans la force de l’âge, parfaitement capable de pédaler mais qui préfèrent prendre leur voiture ou leur scooter pour faire 3 km parce qu’ils ne veulent pas changer leurs habitudes ».


4. Les cyclistes ne respectent pas le code de la route.-

« Ils roulent sur les trottoirs et ils grillent les feux rouges ». Voilà l’image du cycliste qu’ont beaucoup de Français, constate Stein Van Oosteren. « Mais si un cycliste roule sur le trottoir, c’est parce qu’il ne se sent pas en sécurité sur la route et qu’il ne dispose pas de piste cyclable. Quant aux infractions commises par les cyclistes, les études existantes démontrent que ce sont surtout les automobilistes qui font n’importe quoi (dépassement de vitesse, refus de priorité à un piéton, absence de clignotant…). Des infractions devenues trop normales pour être remarquées ! »

5. Il faut partager la route en bonne intelligence.-

« J’entends encore souvent cet argument dans la bouche d’élus », explique Stein Van Oosteren, « mais pour moi, cela revient à refuser, sans le dire clairement, d’aménager des pistes cyclables dédiées et donc à encourager la mise en selle des habitants. » En effet, « la majorité des gens n’accepteront jamais de pédaler tout en se faisant frôler par des voitures roulant à 50 km/h ou plus. Seule une piste cyclable sécurisée suscitera l’envie de faire du vélo. Le partage de la route est une philosophie qui ne peut fonctionner qu’entre des usagers égaux en termes de poids et de vitesse. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’un cycliste de 100 kg (vélo compris) frôlé à un mètre par une voiture de 1500 kg projetée à 50km/h. Les Néerlandais ont réussi à démocratiser le vélo en créant un réseau spécialement pour les vélos, ni trottoir, ni route, où même un enfant peut pédaler sereinement. 60% des Français sont dans ce ventre mou : intéressés par le vélo mais trop inquiets pour l’essayer. Si on construit des pistes cyclables séparées, ils s’y mettront. »

6. Le casque de chantier.-

« En répétant à l’envi que la sécurité, c’est le casque, le ministère de l’Intérieur français fait plus de mal que de bien au vélo. Il met la responsabilité de la sécurité sur le dos du cycliste pour faire oublier que c’est aux collectivités de le protéger en aménageant des pistes cyclables. On intime au cycliste français de se transformer en sapin de Noël : casque, gilet fluo, catadioptres, écarteur en plastique censé tenir à distance les voitures. Aucun cycliste néerlandais n’a besoin de s’accoutrer ainsi : on lui a aménagé des espaces sécurisés. Les Néerlandais considèrent le casque comme un équipement de protection approprié pour un chantier dangereux, pas dans l’espace public. Pour protéger les cyclistes, il ne faut pas les casquer, mais « casquer » pour financer des pistes cyclables pour qu’ils n’aient pas besoin de porter un casque. Le besoin de pistes cyclables est urgent en France, où les habitants pédalent 10 fois moins qu’aux Pays-Bas, alors qu’il y a 3 fois plus de morts à vélo ! »

7. Les rues sont trop étroites.-

« Certains élus n’en démordent pas : les rues de leur ville historique sont trop étroites pour les vélos. Cet argument ne tient pas une seconde : Amsterdam est la première ville cyclable au monde et pourtant ses rues sont souvent si petites qu’il n’y a même pas de place pour un trottoir. Pourtant elle a réussi à développer le vélo en réduisant à la fois la vitesse des voitures et le trafic de transit. En créant des plateaux surélevés les voitures roulent moins vite, et en interdisant le transit automobile, beaucoup d’automobilistes finissent par contourner les quartiers ou… à prendre le vélo !  Bref, la cyclabilité d’une ville n’a rien à voir avec la taille des rues, ce sont même les petites rues qui sont particulièrement adaptées au piéton et au vélo. Plutôt que de rue trop étroite, c’est de choix politique dont on devrait en réalité parler. »

L'autrice

Journaliste spécialisée dans les questions urbaines et les enjeux d'aménagement des villes de demain, Vanessa Delevoye est la rédactrice-en-chef d'Urbis le Mag.



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