Découvrir l'urbanisme circulaire avec Sylvain Grisot

Idées
Lundi 30 novembre 2020




Mardi 12 janvier 2021, Urbis le Mag vous propose une rencontre en webinaire avec l’urbaniste Sylvain Grisot, auteur du « Manifeste pour un urbanisme circulaire – Pour des alternatives concrètes à l’étalement de la ville ». Qu’est-ce que l’urbanisme circulaire ? En quoi l’étalement urbain est-il nuisible ? Quelles sont les solutions prônées par l’auteur pour changer la façon actuelle de fabriquer la ville ? Cet article, basé à la fois sur la lecture de l’ouvrage de Sylvain Grisot et une interview de l’auteur, constitue une première approche du sujet.

De quoi parle « Manifeste pour un urbanisme circulaire » ?

C’est un livre qui s’ouvre sur un récit utopique, celui d’un maire qui raccroche (volontairement) au bout de douze années de mandat et qui se remémore avoir surmonté la grande crise agricole de 2022 causée par l’interdiction des principaux produits phytosanitaires dans les champs. L’élu raconte comment toutes les terres agricoles ont alors été sanctuarisées, signant l’arrêt net de la périurbanisation. Le ton est donné. Dans « Manifeste pour un urbanisme circulaire », Sylvain Grisot pointe du doigt l’étalement urbain comme le symptôme d’une délégation systématiquement laissée à la voiture depuis une soixantaine d’années ; celle d’aménager nos villes et leurs périphéries. Un laissez-faire dont les conséquences apparaissent désormais critiques dans un contexte de crise climatique : perte de sols agricoles, impacts sur l’environnement, surcoûts financiers…

L’étalement urbain est-il à l’origine de tous les problèmes de la ville ?

« L’étalement urbain est surtout le marqueur d’un certain nombre de nos abandons », indique l’urbaniste qui s’emploie, durant la première partie de son livre manifeste, à décrypter une situation dans l’impasse, à laquelle il lui parait impérative de mettre fin. « Ces trente dernières années, la surface des espaces urbains a doublé. Or, cette croissance exponentielle a perdu tout sens : la ville croit en surface alors même qu’elle perd habitants et emplois, s’étalant jusqu’à prendre le risque de se disloquer. »

Pourquoi l’étalement urbain coûterait-il cher ? Pourquoi serait-il systématiquement nié et sous-évalué ?

Sylvain Grisot dénonce l’étalement urbain comme un pari économique à contresens. « Etaler la ville coûte cher. Tous les chiffres l’indiquent… Seule une certaine densité permet de rentabiliser les réseaux et les services urbains. Une station d’épuration représente un investissement considérable pour une collectivité locale. Plus elle est grosse, plus elle est utilisée, plus elle s’avère rentable et coûte moins cher au final. C’est la même chose pour les moyens de transport : un tram rempli revient moins cher qu’un tram vide… »

Avec l’étalement urbain, l’efficacité des réseaux et des services se dilue. Mais cela, personne ne le verrait, ni les habitants, ni les maires. « Les tarifications forfaitaires, souvent harmonisées à l’échelle de vastes territoires, masquent le fait que l’habitant du périurbain coûte bien plus cher aux finances locales que le citadin. En réalité, les habitants des centres paient pour les services des habitants de la périphérie. »

En outre, les surcoûts engendrés par l’étalement dépasseraient largement le seul périmètre des finances locales : « Ce choix de mode de développement urbain induit toutes une série de dépenses mutualisées dans le budget de l’Etat, et aussi des coûts indirects en termes de santé publique ou de dégradation de l’environnement par exemple. Les seuls coûts externes annuels de l’automobile ont été évalué à 50,5 milliards d’euros pour la France (et 374 milliards pour l’Europe) par l’Université technique de Dresde… »

Comment se fabrique la ville ?

Aujourd’hui, la fabrication de la ville est largement synonyme de constructions neuves dans des champs agricoles. Le neuf représente en effet plus de 40 % du chiffre d’affaires du secteur du bâtiment. « Chacune des 35 000 communes de France qui en a eu la possibilité a créé une zone d’activité et construit des lotissements de maisons individuelles, dans l’objectif louable d’attirer des habitants et de créer des emplois. Mais les dégâts de ce tissu urbain distendu ponctué de petites boîtes clairsemées sur de trop vastes parcelles sont bien supérieurs aux bénéfices. »

Sylvain Grisot ne nie pas l’aspiration de nombreux Français pour le pavillon individuel neuf en périphérie : « Ce type de logement est extrêmement attractif, et à raison, car il répond à une somme de besoins : notamment des espaces de vie plus vastes et une isolation généralement performante – car répondant aux dernières normes. Sans oublier la présence de jardins. Le confinement imposé par la pandémie du Covid-19 a démontré, si besoin en était, leur importance ».

« Posons-nous la question de répondre à ces besoins légitimes en ville », propose Sylvain Grisot. « La maison individuelle n’est pas le mal absolu. L’objectif dans la construction de neuf doit résider dans la proximité avec les lieux de travail, les services, les commerces, car c’est une proximité qui libère de l’obligation d’avoir une voiture. Le logement individuel dense est la forme à laquelle on doit s’intéresser aujourd’hui en ville. La densité est acceptable à la condition d’être intense en nature. »

Un modèle alternatif existe-t-il ?

« Le sol agricole alimente un modèle urbain qui fait fausse route. Le problème est systémique. La prohibition de suffira pas et les réponses ne descendront pas de Paris. Le développement urbain est d’abord un enjeu local. » Une fois ce constat posé, Sylvain Grisot consacre la deuxième partie de son manifeste aux solutions. « Car un modèle alternatif existe : celui de l’’urbanisme circulaire, qui se propose de transposer, de façon très pragmatique, les principes de l’économie circulaire à la fabrique urbaine. »

De quoi s’agit-il ? L’urbanisme circulaire consiste à concevoir et à organiser la ville pour qu’elle se reconstruise en permanence sur elle-même. « Inversons le processus de décision. Questionnons-nous ! Devant chaque projet, demandons-nous : est-il indispensable de faire du neuf ? De le faire là et pas ailleurs ? N’est-il pas possible d’occuper un lieu déjà existant ? Et si oui, comment le réorganiser pour répondre aux nouveaux besoins ? »

A l’aide de nombreux exemples de projets pionniers qui existent un peu partout en France, Sylvain Grisot décrit ensuite, de façon concrète, comment agir.

Les 3 grands principes de l’urbanisme circulaire

  1. Intensifier les usages

Cela la signifie mieux occuper un lieu qui existe déjà, notamment en se préoccupant des temps de la ville. L’occupation temporaire d’un lieu en attente de réaffectation relève également de cette intensification des usages.

Exemple concret : un resto U parisien qui devient espace de coworking le reste de la journée. 

  1. Transformer l’existant plutôt que de construire du neuf

Il s’agit de pouvoir adapter, en continu, la ville. L’objectif d’une ville modulaire, flexible en fonction de besoins qui ne manqueront pas d’évoluer dans le temps, réside au cœur de l’urbanisme circulaire. Aussi faut-il privilégier la réhabilitation plutôt que la construction neuve : « Réhabiliter, cela ne coûte pas plus cher mais c’est plus difficile. C’est un saut dans l’inconnu. Il faut tirer parti des contraintes existantes… »

Exemple concret : la chaussée démontable inventée voilà il y a une dizaine d’années par les ingénieurs de l’IFFSTTAR, un laboratoire de recherche public, et testée à Saint-Aubin-lès-Elbeuf près de Rouen. Ses dalles d’1 mètre de diamètre hexagonales sont amovibles et repositionnables à l’envie. La chaussée peut donc être modifiée pour planter, faire des travaux en sous-sol, tracer de nouvelles zones, faire évoluer les usages, aménager autrement… « En France, on sait innover. L’écueil survient quand les bonnes idées ont besoin d’être massifiées pour atteindre un prix abordable. Cela peut-être le rôle de l’Etat que d’acheter, comme un investissement, ces solutions chères au début car encore testées nulle part », estime Sylvain Grisot.

  1. Recycler les espaces

Le futur d’une friche urbaine ne réside pas forcément dans un nouvel usage bâti. Quand il n’est plus possible de transformer certains espaces urbains pour les adapter – ce sera sans doute de plus en plus le cas des futures friches industrielles ou commerciales –, « le mieux est d’organiser leur retour à la nature dans le but de répondre aux nouveaux besoins de la ville : adaptation au changement climatique, énergies renouvelables, biodiversité… »

Exemple concret : la transformation des friches Nollet à Roubaix en centralité verte avec notamment, des activités de maraichage.

On parle de faire la ville sur la ville depuis des années. Pourquoi les avancées restent-elles si timides ? Pourquoi les documents d’urbanisme censés réduire l’étalement urbain sont-ils bafoués ou timorés ? Pourquoi aucun cap n’est-il fixé en ce sens par les élus ?

« L’élu n’est pas celui qui peut tout décider. Les projets se construisent par avancée, par petits bouts, par compromis. Tout n’est pas noir ou blanc, une suite de petites batailles s’enchaîne ; certaines sont gagnées et d’autres perdues. Le technicien a aussi sa part de responsabilité. Il doit alerter, il doit oser s’opposer. Tout le monde a sa pierre à apporter : le citoyen, l’élu, les techniciens et les experts. Tous les choix, même individuels, ont un impact. Mais le problème n’est décidemment pas législatif. Et je suis optimiste : si on en a envie, on peut changer les choses. Une nouvelle façon de faire peut émerger. Ce que je propose – réhabiliter plutôt que construire du neuf, se questionner sur les usages, gérer la densification dans les quartiers –, c’est un autre travail que celui qui est fait aujourd’hui. Cela nécessite plus de temps, plus d’implication des collectivités, plus de dialogue avec les habitants, plus d’exigence de qualité… En bref, c’est beaucoup plus complexe. Mais plus intéressant aussi. Alors, assumons la complexité, coulons moins de béton et misons sur l’intelligence, une autre matière grise ! »

WEBINAIRE - Découverte de l’urbanisme circulaire avec Sylvain Grisot

Urbis le Mag et l’AGUR ont le plaisir de vous convier à un webinaire dédié à l'urbanisme circulaire, le mardi 12 janvier 2021 de 11h à 12h.

Sylvain Grisot en sera l’invité. Urbaniste, il dirige sa propre agence de conseil et d’innovation pour la transformation de la ville qu’il a créée en 2015, dixit.net.

Pour vous inscrire à ce webinaire, c’est ici

Attention, date limite d’inscription : lundi 11 janvier 2021.

 


Face au succès de la première édition du « Manifeste pour un urbanisme circulaire – Pour des alternatives concrètes à l’étalement de la ville », l’ouvrage sera réédité en janvier 2021 aux éditions de l'Apogée.

L'autrice

Journaliste spécialisée dans les questions urbaines et les enjeux d'aménagement des villes de demain, Vanessa Delevoye est la rédactrice-en-chef d'Urbis le Mag.