Dataville, l'offensive séduction d'Airbnb

Logement
Vendredi 24 novembre 2017

Airbnb France met en ligne une partie de ses données, mais pas celles demandées par les élus des villes touristiques.




Airbnb poursuit son offensive de séduction auprès des petites et moyennes communes françaises. Au printemps, la plateforme de location touristique avait étendu à 50 villes la collecte automatique de la taxe de séjour reversée aux collectivités locales. Cette semaine, elle a dévoilé Dataville, une application qui présente Airbnb comme une valeur économique sûre pour les villes.

En dévoilant Dataville lors du salon des maires et des collectivités locales qui se déroulait cette semaine à Paris, Airbnb n’a pas caché son objectif : conquérir le cœur des élus des villes petites et moyennes ; la relation de la plateforme n'étant plus au beau fixe depuis longtemps avec les élus des métropoles et des villes très touristiques.

Comment fonctionne Dataville ? Le plus simplement du monde puisqu’il suffit d’entrer le nom d’une commune pour connaître le nombre de ses annonces Airbnb, des voyageurs accueillis entre septembre 2016 et septembre 2017, des nationalités de ces mêmes voyageurs ainsi que le revenu médian d’un hôte Airbnb.

N-ième palmarès de villes

Ludique, l’application permet de comparer les villes. Airbnb a d’ailleurs fourni aux médias l'infographie ci-dessous, largement reprise dans des articles ou des reportages intitulés « Quelles sont les villes où les locations Airbnb rapportent le plus ? ».

De quoi alimenter l'exercice controversé des palmarès de villes... Mais surtout, de démontrer qu’Airbnb participe pleinement à l’attractivité des villes en attirant des visiteurs de toute la planète et en générant d’intéressants revenus de complément pour leurs habitants.

Une image, rappelons-le, totalement à l’opposé de la situation décrite par les élus des villes où la pression touristique est forte : ces derniers, avec les Parisiens à leur tête, dénoncent les stratégies spéculatives autour du logement indirectement favorisées par les plateformes de location.

Ainsi, à Paris, Bordeaux ou  Lyon par exemple, certains propriétaires se sont transformés en professionnels de la location touristique et s’enrichissent considérablement. Ils contournent l’utilisation normale d’Airbnb en louant exclusivement à des touristes via cette plateforme et non plus à des locataires occupants. Tant et si bien que le nombre de logements proposés à la location se raréfie avec, pour résultats, de conséquentes augmentations des loyers et l'éviction des habitants les plus pauvres des quartiers les plus attractifs. La chercheuse Florence Artioli avait détaillé avec précision ces mécanismes lors d'un récent article paru sur notre site intitulé « Airbnb, une malédiction pour les villes ? ».

Toujours dans Urbis le Mag, l’élu bordelais Mathieu Rouveyre avait regretté l’impossibilité de contrôler la légalité des activités des propriétaires via Airbnb, la plate forme refusant de livrer ses données… Car si « la loi française limite à 120 nuitées maximum chaque année la location touristique d’un logement, comment contrôler cela dans la réalité ? ».

Des conflits incompatibles avec l'image d'Airbnb

En situation de conflits plus ou moins larvés avec les hôteliers, des habitants mécontents de voir leur immeuble transformé en Airbnb géant, et une partie des élus français, Airbnb se devait de réagir et de redorer son blason.

Outre Dataville, offensive de charme envers les maires de villes moyennes, Airbnb a donc fait un autre pas en acceptant aussi de bloquer automatiquement, depuis son site, toute possibilité de location au-delà des 120 jours légaux dans quatre arrondissements de Paris (les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements centraux) à partir de janvier 2018.

La plaforme ouvrira-t-elle cette possibilités à d'autres villes qui en feront la demande ? A moins qu'une nouvelle loi ne s'en mêle, l'Assemblée nationale semblant se préoccuper du sujet... Affaire à suivre.

L'autrice

Journaliste spécialisée dans les questions urbaines et les enjeux d'aménagement des villes de demain, Vanessa Delevoye est la rédactrice-en-chef d'Urbis le Mag.



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